Mytiliculture 1
17/01/23

Bientôt des moules-frites au Sénégal ?

Des moules dans les Mangroves ? Drôle d’idée ?! C’est le projet que Chantal Dengis a mené en appui avec notre partenaire sénégalais Nebeday.

Il y a quelques mois, Chantal nous avait contactés avec l’envie de travailler bénévolement dans les mangroves sénégalaises. Biologiste de formation, elle s’était intéressée aux écosystèmes en zones humides et à la gestion des zones naturelles africaines. Après quelques années de travail sur la spiruline à Haïti, au Burkina Faso, au Nord-Kivu (RD Congo) et en Côte d’Ivoire, la crise de COVID-19 la ramène en Belgique, devant interrompre ses activités. Ce sera finalement une opportunité pour renouer avec ses premières aspirations : travailler dans les mangroves, un milieu de vie et de biodiversité qui la fait rêver.

Son enthousiasme nous a convaincus et nous l’avons rapidement mise en contact avec Nebeday, notre partenaire sur place. Chantal est vite envoyée en Bretagne pour se former à la mytiliculture (l’élevage des moules) et ensuite transférer ces acquis aux groupements de femmes dans les mangroves sénégalaises, dans le but de diversifier leurs sources de revenus. À son arrivée, deux stagiaires l’accompagnent dans ce projet. Ils travaillent déjà sur la biomasse au sein des mangroves et notamment la culture de coques et d’huîtres dans le delta du Saloum.

Avant d’aller plus loin, il est important de restituer le contexte dans lequel Nebeday souhaitait implanter ce nouveau projet mytilicole. Depuis déjà plusieurs années, notre partenaire soutient des groupements de femmes installés dans les bolongs (bras de mer pénétrant à l’intérieur des terres et du delta du Saloum, à l’Ouest du Sénégal) et travaillant dans le commerce et la cuisine de coques, d’huîtres et de moules qu’elles importent de Dakar. Le travail de Chantal a consisté, dans un premier temps, à évaluer la faisabilité de la culture de moules dans les bolongs, où la salinité est particulièrement forte. Si quelques moules s’accrochaient déjà aux racines des palétuviers, elles demeuraient peu nombreuses et de petite taille, ce qui rendait leur commercialisation impossible.

C’était donc parti pour les premiers tests et l’installation de structures d’accroche dans les bolongs. Des prospections ont été menées sur plus de 45 kilomètres entre Palmarin et Toubakouta, pour trouver l’endroit idéal des tests. Des dispositifs lestés, longs de quelques mètres et sensés capter les naissains de moules sont alors immergés. Au gré des marées et des courants, les moules à l’état de larve s’accrochent aux aspérités des cordes (b et c sur le schéma) pour être ensuite récoltées à la main et mises en culture dans la lanterne de grossissement (dispositif a sur le schéma). Concrètement, ce projet expérimental portait sur 2 aspects différents : voir si le naissain d’origine était effectivement capté par ces structures et évaluer si la mise en culture en bolongs des moules Perna perna, importées de l’océan, pouvait fonctionner. Cette espèce étant connue pour sa croissance rapide (entre 10 et 12 centimètres en 4 mois), l’importation de ces moules pourrait représenter une belle opportunité pour les collectifs de femmes qui en font le commerce.

Schéma Moules 1

Légende : a : lanterne de grossissement / b : corde/ c : corde de captage des naissains / d : flotteur / e : chaîne / f : corps mort g : balise

À ce jour, deux processus expérimentaux ont été installés. Le personnel de Nebeday suit la croissance des moules et l’entretien régulier des lanternes, notamment pour éviter l’intrusion de crabes. Les stagiaires avec qui Chantal collaborait sont passés à la rédaction de leur mémoire tout en continuant de garder un œil sur le processus.

Avant son retour en Belgique, Chantal s’est lancée dans de nouvelles prospections pour voir si le projet pouvait s’y prêter également. Les analyses multi-paramètres (notamment en oxygène dissout, en salinité, en pH et en conductivité) étaient concluantes, la suite du processus est dans les mains du comité de gestion communautaire de ces aires marines protégées. Aujourd’hui, Chantal attend de pouvoir retourner au Sénégal pour faire le point sur ce que deviennent les tests dans les bolongs et, peut-être, relancer le projet d’en installer en mer.

Voir aussi l’article de Nebeday ici.

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