Rucher
16/01/23

L’approche filière, support solide du développement économique en RDC

La création de revenus durables pour les communautés est l’un des objectifs de nos interventions, nous étudions donc avec une attention particulière toutes les ques­tions de développement économique des activités agricoles qui sont soulevées. Si nous voulons que les populations puissent réellement tirer des bénéfices financiers de leurs activités, et ainsi répondre à leurs propres besoins de manière durable, la rentabilité des filières que nous souhai­tons développer doit se penser dès le début.

Les techniques de production agroécolo­gique, que nous promouvons et accompa­gnons dans nos projets, permettent d’ac­croître les rendements tout en préservant l’environnement, mais il faut ensuite que les produits se vendent sur les marchés pour que les agriculteur·trices puissent en vivre ! Notre appui est donc renforcé sur deux aspects, la production agricole puis les étapes et acteurs qui sont impliqués dans la suite de la filière. C’est à nouveau une approche systémique qui se déploie, où nous considérons que c’est en agissant sur le système dans son ensemble que nous pourrons faire évoluer celui-ci dans une direction durable sur le long terme.

LE CAS PARTICULIER DE L’AGRICULTURE CONTRACTUELLE

L’approche de filière agricole permet d’analyser chaque étape de fabrication d’un produit de consommation, depuis sa production jusqu’à sa finalité de vente, en prenant en compte l’ensemble des interac­tions et des échanges qui participent à ce processus. Si les théories économiques à la base de cette approche relèvent plutôt du secteur industriel, elles permettent toutefois de formaliser les relations entre acteurs·trices et de reconnaître donc l’existence et la valeur des interdépen­dances entre ces acteurs·trices d’un même groupe (par exemple une coopérative d’agriculteur·trices) ou de groupes diffé­rents (entre la coopérative et les ache­teurs).

Notre travail consiste à renforcer ces liens, car ce sont ceux-ci qui vont garantir une durabilité des échanges ; une approche qui vise spécifiquement à renforcer ces liens est l’agriculture contractuelle.

Nous retrouvons les premières traces de ce concept au 19e siècle en Asie et en Amérique latine. Elle s’articule principalement autour de l’existence d’un accord entre les producteur·trices et les acheteur·trices, visant à formaliser un engagement mutuel sur les modalités et conditions qui régissent la production et la commerciali­sation des produits agricoles. Cela permet aux producteur·trices d’avoir la garantie d’écouler leur marchandise avant même la récolte, et de fixer le prix à l’avance. Ils s’agit en effet d’une des grandes difficul­tés dans l’agriculture, car si au moment de choisir une production, un prix peut être haut, il peut brutalement chuter pour arriver en deçà du coût de production. Une situation difficile, un peu comme si un salaire variait de mois en mois, pouvant aller en-dessous du minimum vital.

Outre la question du prix, les détails de la qualité du produit ainsi que des quan­tités sont aussi négociées à l’avance. Ceci permet à l’acheteur·euse de mieux maîtriser son approvisionnement, et donc de s’assurer de pouvoir ensuite satisfaire ses client·es.

C’est grâce à de tels outils que nous nous assurons que la valeur ajoutée créée soit équitablement redistribuée entre tous·tes les acteurs·trices, à savoir les agriculteurs·trices, les vendeur-ses, les consommateur·trices, etc.

ACCOMPAGNEMENT DE LA FILIÈRE APICOLE À LUKI

Le développement de la filière apicole est l’un des principaux succès d’ULB-Coopéra­tion au Kongo-Central. Celui-ci ne s’est pas fait en un jour, nos collègues et d’autres organisations avant nous y ont travaillé durant de nombreuses années.

Il se déroule en plusieurs étapes, et avec un grand nombre d’acteurs·trices :

  • Pépinière centrale et JBML
  • Pépinières décentralisées et reboisement
  • Ruchers concentrés
  • Mini-mielleries
  • Commercialisation et développement de Mannalola
  • Associations d’apiculteurs et COAPMA

Approche Apicole

PÉPINIÈRE CENTRALE ET JBML

Le Jardin Botanique Mellifère permet de produire les plants et semences qui seront ensuite distribués dans les communautés. Les avancées liées à la recherche dans cet espace servent aussi à améliorer cer­taines techniques de production. À titre d’exemple, l’étude effectuée sur la flore mellifère endémique a permis de définir un calendrier technique des pratiques apicoles de la région.

L’« étape » pépinière/JBML permet donc de fournir les intrants nécessaires à la production apicole.

PÉPINIÈRES DÉCENTRALISÉES ET REBOISEMENT

À cette étape de la filière, les associations d’apiculteur·trices s’organisent pour mettre en place une pépinière dans leur village (ce qu’on appelle une pépinière décentralisée). Celle-ci leur permettra d’accueillir, de reproduire et multiplier la flore mellifère qu’iels utiliseront dans les espaces de reboisement. Ces derniers sont cruciaux, car c’est grâce au renforcement du potentiel apicole de leur environnement que les apiculteur·trices peuvent garantir aux abeilles d’avoir suffisamment de nectar et de pollen.

L’important ici est de fournir des intrants, mais aussi d’augmenter la productivité de l’activité apicole.

RUCHERS CONCENTRÉS

Les ruchers concentrés sont des espaces communautaires qui remplissent plusieurs fonctions :

  • La production du miel : les apiculteur·trices y possèdent plusieurs ruches qu’iels récoltent chaque année.
  • Un espace d’apprentissage de la pratique  apicole : nos animateurs y viennent chaque semaine pour répondre aux questions et aborder les pro­blèmes rencontrés.
  • Un accès sécurisé au foncier : l’accès au terrain, tant pour la pose des ruches que pour le reboisement, fait l’objet d’une négociation entre les ayants-droits et les loca­taires. Cette négociation est facilitée par ULB-Coopération.

L’étape des ruchers concentrés est donc entièrement dédiée à la production proprement dite. Il est important de noter que si les apiculteur·trices possèdent en général une ou deux ruches dans ces espaces, iels en ont souvent de nombreuses autres par ailleurs, ce qui signifient que les apprentissages sont transposés nature­llement et que les bonnes pratiques se disséminent.

MINl·MIELLERIES

Pour que le miel puisse être extrait dans de bonnes conditions et rencontre les exigences de qualité du marché, des mini-mielleries ont été construites. Les apiculteur·trices y apportent le miel récolté dans les ruchers concentrés ainsi que dans leurs autres ruches, pour qu’il y soit extrait et conditionné. Un·e apiculteur·trice membre de l’association est désigné res­ponsable, avec l’appui d’autres membres lors de la grande miellée qui se tient entre août et novembre. Le miel ainsi extrait est de haute qualité et centralisé à un seul endroit.

Un animateur d’ULB-Coopération accom­pagne les associations d’apiculteurs dans la gestion de ces mielleries, tant d’un point de vue de l’extraction, que de la gestion administrative et financière.

Les mini-mielleries sont l’étape de la transformation pour répondre aux besoins des acheteurs·euses, ainsi que d’agrégation pour simplifier la logistique.

COMMERCIALISATION ET MANNALOLA

Un partenariat a été lancé depuis quelques années avec l’entreprise kinoise Mannalola. Celle-ci a comme objet social la valorisa­tion des produits apicoles locaux de RDC, à destination du marché congolais. En effet, même si la demande est très importante, les miels disponibles sur le marché local sont majoritairement de basse qualité et rarement d’origine congolaise.

Notre accompagnement consiste ici principalement à faciliter la relation entre les différents intermédiaires de la chaîne de production et de commercialisation, pour garantir l’accès aux marchés des apiculteur·tices et ainsi consolider leurs revenus.

 Des rencontres sont organisées tout au long de l’année entre Mannalola et les associations d’apiculteurs, pour que cha­cun s’engage sur les aspects concrets (prix, quantité, qualité, date de livraison, moda­lité de paiement, etc.) ; ces rencontres permettent aussi de mieux se connaitre et comprendre les difficultés des différents métiers. Ces moments sont essentiels pour garantir la solidité du partenariat et assurer que la chaîne logistique se déroule au mieux.

Dans cette même dynamique, une forma­tion sur les produits dérivés de l’apiculture a été organisée récemment au Burkina Faso, où notre partenaire local Mannalola a pu apprendre les techniques de produc­tion apicole autres que le miel : savons, bougies, crèmes, teinture de propolis ou encore purification de la cire. Certains seront transposés en RDC, avec des grou­pements de femmes, pour diversifier leurs sources de revenus.

ASSOCIATIONS D’APICULTEURS ET COAPMA

Notre ac­compagnement consiste aussi à soutenir la structuration des organisations d’apiculteur·trices. Se regrouper en asso­ciations permet de mutualiser les moyens de production (intrants, espace de produc­tion, tenues apicoles) et de transformation (mini-mielleries). Le COAPMA s’occupe quant à lui de la relation avec les parte­naires commerciaux et de l’organisation des modules d’accompagnement tech­nique fournis par ULB-Coopération.

On le voit, l’approche filière se caractérise par une conjonction d’outils et d’approches qui permettent, ensemble, que les actions d’ULB-Coopération soient les plus adap­tées et durables possibles.