10
23/12/20

La participation communautaire sur le terrain d’Étoile du Sud

Le succès de nombreux projets mis en place dans le cadre de la coopération au développement dépend d’une collaboration active des partenaires locaux mais également de celle de la population. Chaque projet devrait prévoir un cadre d’expression et d’action des communautés pour qu’elles puissent, de manière autonome, s’impliquer et agir pour leur propre développement. C’est pourquoi, dans les lignes qui suivent, nous partageons les bénéfices constatés de formes concrètes de participation communautaire dans un projet de développement visant l’amélioration du système de soins de santé à Kinshasa, République démocratique du Congo. Joyce Obedi Wabikwa, qui a été accueillie dans notre bureau de Kinshasa peu avant la crise de COVID-19, vous partage dans les pages suivantes son travail de fin d’étude.

Participation communautaire et santé

11La participation communautaire, c’est « la création d’occasions qui permettent à tous les membres de la communauté et à la société en général de contribuer activement, d’influencer le processus développemental ainsi que de partager équitablement les bénéfices du développement ».

Dans le domaine de la santé, ce processus de participation communautaire se réfère au fait que les individus et les familles prennent en charge leur propre santé et bien-être et développent leur capacité à concourir eux-mêmes à ceux-ci, comme à ceux de la communauté.

Ses avantages sont nombreux : la participation communautaire contribue à l’amélioration de l’état de santé des communautés, permet une meilleure accessibilité aux services de soins de santé, fait en sorte que le système de santé et les services offerts répondent aux besoins réels des bénéficiaires, améliore la qualité des services et augmente l’utilisation de ceux-ci par les usagers. Cette participation permet aussi de donner de l’ampleur aux droits des patients, en rééquilibrant le rapport de force entre soignants et soignés. La redevabilité des soignants vis-à-vis des communautés devient un sujet de discussion et de changement important.

Participation communautaire en santé en RDC

Pour organiser son système de santé selon le principe dit « des soins de santé primaires », la RDC a découpé son territoire en 515 zones de santé disposant chacune d’un hôpital de référence où œuvrent un·e ou plusieurs médecins.
Chaque zone est elle-même découpée en aires de santé au sein de laquelle un centre de santé, géré par un·e infirmier·ère et des auxiliaires de santé, assure les soins préventifs (vaccination) et les soins curatifs de premier niveau à une population d’environ 10.000 personnes, situées en théorie à moins de 8 km du centre.

Pour offrir un paquet de soins le plus complet possible malgré des ressources limitées, la collaboration entre l’équipe soignante du centre de santé et la population placée sous sa responsabilité est primordiale.

Pour cela, un comité de développement de l’aire composé de représentant de la population cogère le centre avec son personnel et en particulier avec l’« infirmier·ière titulaire ». Des relais communautaires sont également mobilisés. Volontaire et bénévole, choisi par la communauté, chaque relais communautaire s’occupe d’environ 25 ménages. Il·elle transmet les messages de promotion de la santé, assure les actions de prévention et joue un rôle de veille sur la santé de sa communauté.
Les relais communautaires se réunissent régulièrement au sein de cellules d’animation communautaire où l’échange d’informations permet la détection précoce des épidémies et des phénomènes anormaux dans la communauté.

Plusieurs facteurs façonnent la participation effective des communautés, la confrontant alors à certaines limites. Celles-ci sont liées au manque d’accès à l’information, au manque de formations sur les thématiques abordées, à la pauvreté, aux conflits, à la faible accessibilité socioculturelle, géographique et financière des soins, à un manque de qualité des soins, un manque de motivation des communautés, etc.

Pour renforcer le rôle de la société civile, l’État congolais a mis en place des organes de participation            communautaire ou structures d’interface permettant à la population de se structurer et de s’impliquer dans le processus de planification et de collaboration avec les services de santé. Ces structures sont les relais communautaires, les cellules d’animation communautaire et les comités de santé. Chacune intervient à des niveaux différents du système de santé, poursuivant des objectifs spécifiques.

De nombreux défis impactent le fonctionnement de ces interfaces et limitent ainsi leur capacité à exercer de manière
optimale leur rôle. Citons par exemple la nouvelle réforme territoriale, le manque d’accès à l’information, le manque de formations en rapport avec les activités à mener, la charge de travail, le mode de désignation des agents communautaires par convenance et non par la communauté, le non suivi par les équipes professionnelles censées les encadrer, la non-rémunération, le manque de reconnaissance, etc. Dans ce contexte compliqué, comment agir utilement ?

Repenser la dynamique de participation communautaire

De nombreuses initiatives ont vu le jour, repensant la dynamique communautaire au vu de ces différentes limites. Parmi elles, le « projet santé Kinshasa » d’ULB-Coopération, destiné à renforcer le secteur hospitalier, le premier échelon de soins du système sanitaire du pays et la société civile, dans un objectif d’amélioration de l’accessibilité et de la qualité des soins. Ce projet conjugue deux aspects : la question de l’empowerment (capacitation) de la population par rapport à la santé et le renforcement du système de soins de santé.

Pour contribuer au renforcement de la société civile, l’ONG et son partenaire local Étoile du Sud (ONG congolaise),
ont mis en place deux types de structures : les Groupes de réflexion et une Plateforme des Usagers.
Ensemble, ils permettent de donner vie à une nouvelle approche de participation dans la zone de santé de Kintambo (commune de 100.000 hab. de la ville de Kinshasa).

Ici, on axe les interventions sur l’approche participative et l’empowerment, la société civile et les usagers sont impliqués dans l’amélioration de l’accessibilité et de la qualité des soins de leur propre commune. Les communautés disposent ainsi d’un lieu où leurs compétences pratiques dans le domaine du droit à la santé sont renforcées, dans lequel elles peuvent proposer des pistes de solutions aux problèmes sanitaires et ainsi prendre en main leur propre santé.

Identifier – Réfléchir – Proposer

Activités De RéflexionUn Groupe de réflexion est un ensemble organisé de personnes engagées dans la réflexion et la recherche de solutions à leurs problèmes de droit à la santé. Ce groupe travaille selon la stratégie SOM (sensibiliser, organiser
et mobiliser) afin de renforcer les capacités. Par son ancrage dans le système de santé, il crée de facto un cadre de concertation permanent entre les membres de la communauté et les services sociaux de base, favorisant le dialogue entre les parties prenantes de la communauté. Volontairement appuyée sur la diversité des profils au sein des communautés, cette approche prend en compte les déterminants sociaux de la santé et notamment les diverses catégories socio-économiques présentes dans la population.

Le travail des groupes de réflexion s’organise sur une base mensuelle et aboutit à des activités de sensibilisation, des
activités d’éducation sanitaire, des plaidoyers ou encore des formations sur des thèmes que les membres ont eux-mêmes identifiés comme importants, qui sont parfois connexes à la santé.

Dans la zone de santé de Kintambo, chacune des 8 aires de santé dispose d’un groupe de réflexion.

Parallèlement aux initiatives des groupes de réflexion, une plateforme des usagers a été mise en place. Cette
plateforme est une coupole qui réunit les représentants des 8 groupes de réflexions de Kintambo et qui permet d’avoir accès à d’autres acteurs de la communauté : les décideurs politiques, les chefs de quartiers, les médecins chefs de zone, les leaders religieux. Ici aussi, il s’agit d’initier un dialogue social et de visibiliser les actions réalisées.

Approche innovante ?

Cpgne De Sensibilisation Innovante, cette approche ? Oui, le renforcement des communautés n’est pas encore un fonctionnement généralisé au sein des politiques de santé, la définition des thématiques prioritaires par les communautés elles-mêmes, non plus. Et c’est assurément une des forces des interventions des groupes de réflexion.

En effet, cette stratégie permet à l’intervention d’être en adéquation avec le contexte socio-économique et environnemental des personnes et avec leurs besoins. Outre l’identification des problématiques à travailler, c’est aussi le contenu du message et la méthode de communication qui sont modelés adéquatement. Ceci construit un ensemble adapté aux groupes cibles et pertinents pour eux, de l’évaluation des besoins à l’évaluation de l’impact de l’action en passant par la création du matériel éducatif.

Roger Kakule Manzekele, membre d’Étoile du Sud : « Depuis la mise en place de la nouvelle dynamique communautaire, les membres des Groupes de Réflexion et de la Plateforme des Usagers se mobilisent davantage sur les questions relevant du droit à la santé. Ils sont motivés et impliqués en ce sens qu’à travers le dialogue établi entre les prestataires et les usagers, ils sont à même de s’exprimer et donner leur point de vue par rapport à la qualité des soins de santé sans oublier la prise en compte de tous les déterminants sociaux de la santé. Et ils s’impliquent davantage car ils savent que c’est dans leur intérêt. C’est comme ça qu’ils arrivent à enclencher les revendications relatives à leur bien-être ».

Joyce Obedi Wabikwa