Agroforesterie et écovillage dans le sahel sénégalais

Le soleil brûle encore en ce mois de novembre sur les champs sénégalais : c’est dans une chaleur anormale doublée d’un vent sec que se fait la récolte des arachides, les paysans s’attelant à la tâche entre les rares arbres encore présents, ici un baobab, là un Acacia albida. La déforestation est visible à l’œil nu et si la fin de la saison des pluies rend la campagne verdoyante, la saison sèche qui débute donnera aux paysages de cette région un air désolant de désertification avancée. Voilà un mois que j’effectue un stage avec l’Association pour la Promotion des Arbres Fertilitaires et l’Agroforesterie (APAF pour les intimes), ici à Diokhar dans la région de la Petite Côte. Je me présente, je suis étudiant en master Sciences de la Population et du Développement à l’ULB, et c’est sous l’égide d’ULB-Coopération que je me retrouve justement ici, en plein Sahel sénégalais.

Après une réflexion d’un mois sur la contribution que je pourrais apporter ici, ainsi qu’un accompagnement sur le terrain de Nicolas Sarr, le responsable agroforestier de la zone de Diokhar, me voici familiarisé avec l’association et ses activités. Mais quelles sont-elles ? L’agroforesterie consiste à allier culture maraîchère et plantation d’arbres pour une meilleure symbiose entre plantes, arbres, terre et eau : en somme, il faut combiner la plantation d’arbres fertilitaires, d’arbres fruitiers et de légumes dans un champ pour résister à la sécheresse et à la précarité alimentaire qui touchent cette partie de l’Afrique.

Notre quotidien durant ce mois d’octobre fut le transport d’arbres fertilitaires vers de nouveaux champs, la supervision de parcelles en cours de plantation et les nombreuses réunions avec les villageois, paysans et responsables de l’APAF Sénégal.

À la fin du mois d’octobre je me rendais à Mbour avec l’équipe d’APAF au complet pour dresser un bilan de mon activité : il était ensuite décidé que je participerai au diagnostic territorial entamé par Marine Protte Rieg, une stagiaire française qui avait déjà réalisé une cartographie de la zone de Diokhar, haut lieu des activités de l’association. M. Mansour Ndiaye, président exécutif d’APAF Sénégal, a en effet le rêve et la volonté de faire de Diokhar le premier écovillage créé par l’association : en plus des activités déjà accomplies grâce à l’agroforesterie, le projet veut soutenir des actions portant sur la santé, les énergies vertes, la sécurité alimentaire et l’éducation pour l’amélioration de la vie des habitants de cette zone. C’est donc dans ce cadre que je réalise depuis quelques jours une enquête socio-économique pour mieux déterminer avec les villageois les actions qui seront pertinentes pour répondre à leurs besoins. Chaque entretien se déroule avec un chef de ménage, parfois accompagné d’autres membres de la famille, pour récolter des informations sur leurs occupations agricoles, pastorales et économiques ; dans un second temps, ces derniers prennent la parole pour exprimer leurs souhaits quant à l’écovillage en devenir.

Les habitants de Diokhar sont tous extrêmement motivés, raison pour laquelle le village est une zone pilote pour les nouvelles idées d’APAF (barrière antiérosive, pâturage rotatif, écovillage et tant d’autres). Une des forces de ce projet est la coopération entre les représentants administratifs, académiques, religieux et privés qui y prennent part, chose si rare dans une initiative telle que celle-ci… Une forte cohésion sociale, un comité villageois agroforestier travailleur et des groupements d’intérêts économiques féminins prêts à se mettre à l’ouvrage sont tout autant de points positifs pour la réalisation de ce projet.

Aucun point noir à l’horizon me demanderez-vous ? Malheureusement, si. La région est extrêmement sèche et le manque d’eau s’y fait clairement ressentir. Les vols de bétail et de matériel sont hélas chose courante et un projet d’autoroute menace de détruire des champs agroforestiers déjà existants… Mais comme me le faisait remarquer un paysan encore aujourd’hui : « Nous, on veut travailler et on a confiance en APAF »… On garde donc un optimisme touchant ici à Diokhar et malgré les quelques difficultés, le projet d’écovillage à toutes ses chances d’aboutir et ce grâce à des villageois motivés et une association qui fournit un travail exceptionnel. « On est ensemble » comme dirait l’autre. Et on garde le sourire.

Nils Gevaert, stagiaire