Gérer les territoires de manière intégrée et durable en RDC
LES EXPÉRIENCES DU KONGO-CENTRAL
En République démocratique du Congo comme dans de nombreux pays du monde, la relation des êtres humains avec leur environnement pose de multiples questions. Si le dérèglement climatique et la question des énergies sont au centre de l’attention en Europe, d’autres facettes de cette thématique sont vécues par la population congolaise.
Il en est ainsi de l’indispensable équilibre à trouver entre la préservation des aires protégées et la satisfaction des besoins fondamentaux des communautés qui vivent aux alentours : comment assurer les missions de conservation de la biosphère tout en garantissant l’accès à la nourriture, au bois, et à des sources de potentiels revenus, dans des zones rurales où les opportunités économiques sont extrêmement limitées ? Comment réguler ces activités, potentiellement ravageuses pour les ressources naturelles ?
Nos projets « systèmes alimentaires durables (SAD) » en RDC travaillent spécifiquement cette thématique, notamment dans et autour de 2 aires protégées : la Réserve de Biosphère de Luki (RBL) et le Parc Marin des Mangroves (PMM).
En effet, après quelques années d’activités d’ULB-Coopération autour de la RBL, la zone d’intervention s’est élargie avec l’ouverture d’un nouveau bureau et de nouvelles collaborations autour du Parc Marin des Mangroves.
Si les deux écosystèmes sont très différents, une forêt tropicale primaire d’un côté et une mangrove de l’autre, ils font néanmoins face à des défis sociaux et économiques similaires : les objectifs de conservation de ces aires protégées sont mis à mal par une pression importante sur les ressources naturelles. Les communautés vivant dans ou en bordure des aires protégées sont nombreuses, ont des besoins considérables à satisfaire, et exploitent donc les ressources (bois, fruits, plantes, animaux…) aux dépens des objectifs de conservation. Nos partenaires, l’Institut Congolais de Conservation de la Nature (ICCN) et l’Institut National pour l’Étude et la Recherche Agronomiques (INERA), agissent au quotidien pour sensibiliser, tempérer, recadrer ces pratiques. Une de ces exploitations non contrôlées est la déforestation en vue de produire du charbon de bois (appelé moka/a), énergie indispensable au quotidien de l’écrasante majorité des ménages pour cuire les aliments, mais qui met en danger les ressources de bois. Les coupes d’arbres s’effectuent aujourd’hui à une grande échelle, la demande de makala est tellement importante que la filière est utilisée non plus pour des besoins personnels, mais pour la revente et, ainsi, la création de revenus.
Pour diminuer la pression sur les ressources naturelles tout en développant des alternatives viables avec les communautés, ULB-Coopération et ses partenaires ont mis en place une approche systémique de gestion intégrée des territoires qui se déploie en trois volets : le développement de filières agricoles, la conservation et restauration de l’environnement, ainsi que la gestion inclusive des savoirs.
DÉVELOPPEMENT DE FILIÈRES AGRICOLES
Pour soutenir la création d’activités génératrices de revenus, nous accompagnons le développement de filières intégrées.
Elles sont dites » intégrées » parce que notre travail d’accompagnement va de la production jusqu’au développement du secteur privé, en passant par la transformation et le soutien à la commercialisation.
Les filières les plus prometteuses sont actuellement la filière apicole et celle des cultures maraîchères, qui permettent de générer des revenus conséquents pour les ménages, tout en se fondant sur des pratiques agroécologiques. Nous avons développé des outils et des approches pour chacune de ces filières, afin de les soutenir durablement :
- Pour améliorer le taux d’adoption des pratiques agroécologiques, nous utilisons l’outil de champs-écoles paysans (CEP), développé par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années. Un CEP est un espace collectif qui permet l’expérimentation agricole, pour que les paysannes puissent tester des nouvelles pratiques agroécologiques, et trouver eux·elles-mêmes les réponses aux problèmes qui surviennent dans leurs champs.
- Pour soutenir efficacement la filière apicole, nous avons développé une approche globale et innovante en interne.
- Pour garantir des relations commerciales équitables entre les différents acteurs de la filière, les liens sont renforcés grâce aux approches d’agriculture contractuelle et de business modèles inclusifs.
- Finalement, des concours d’innovation et des projets pilotes sont programmés en vue d’impliquer spécifiquement les femmes et les jeunes dans nos programmes !
ENVIRONNEMENT
Outre le développement de l’agroécologie comme pratique agricole respectueuse de l’environnement, l’axe environnemental de notre approche intégrée se concentre principalement sur la conservation et la restauration de la biodiversité et des ressources naturelles des zones d’intervention.
Dans le Parc Marin des Mangroves, nous menons des activités de sensibilisation des communautés locales, de reboisement de palétuviers tout en accompagnant les partenaires dans les systèmes d’information géographique. Ces derniers permettent de cartographier les zones du parc à reboiser, et par la suite d’en faire le suivi plus facilement grâce aux GPS. Les possibilités de renforcer la dynamique en développant le marché volontaire de compensation carbone sont actuellement investiguées.
Dans les agroécosystèmes, les interventions se situent à deux niveaux. D’une part du côté des pratiques agroécologiques qui permettent de diversifier l’écosystème tout en améliorant la qualité des sols, d’autre part, grâce à l’agroforesterie communautaire pratiquée principalement dans la filière apicole. Pour ce deuxième aspect, le partenariat avec l’INERA a permis la création du Jardin Botanique Mellifère de Luki. Celui-ci vise à améliorer les connaissances scientifiques sur la flore mellifère endémique, et il permet aussi d’approvisionner les pépinières locales (dites «décentralisées») en plants et semences. Ce sont alors les communautés qui reboisent elles-mêmes leurs terres avec les essences adaptées à leurs besoins !
GESTION INCLUSIVE DES SAVOIRS
Le troisième axe de notre approche s’articule autour des savoirs : réaliser diagnostics, études et recherches intègre systématiquement nos projets.
Questionner nos outils, nos approches et susciter le dialogue entre des savoirs différents nous est tout aussi essentiel. Un comité scientifique impliquant les acteurs·trices de terrain ainsi que des institutions de recherche nationale, régionale et internationale, a été mis en place pour accompagner nos actions : il coordonne et veille à la qualité des recherches, et s’assure de l’intérêt des thématiques, soit pour répondre au souci d’amélioration des conditions de vies des communautés locales, soit pour répondre aux préoccupations des gestionnaires des aires protégées.