Preparation Au Départ
04/09/20

Adaptation des projets Nord en ECMS

L’objectif de notre programme d’éducation à la citoyenneté critique est de proposer à la communauté universitaire, en particulier aux étudiant·e·s, des outils permettant d’améliorer la compréhension des enjeux mondiaux afin de prendre conscience de l’impact de nos choix citoyens, d’être plus critiques et de nous mobiliser pour une société plus juste et plus durable. En temps normal, le mois de mars est habituellement très chargé : formations, ateliers avec la communauté universitaire, préparations aux départs pour les futur·e·s stagiaires, ciné-débats… Toutes ces activités ont bien entendu dû être annulées, mais qu’en est-il de l’impact sur la solidarité internationale ? Et si les conséquences du COVID-19 recelaient des éléments insoupçonnés ?

La crise liée au coronavirus nous mobilise, individuellement et collectivement. Nous réagissons, avec nos capacités, nos craintes et nos espoirs. Elle nous fait également prendre conscience de manière brutale de l’aspect systémique des comportements humains, de la mondialisation et des dérives de notre système actuel. Pensons à la production industrielle de viande, grande consommatrice d’antibiotiques, ou encore à la concentration de la production mondiale en Chine. Ces deux éléments comprennent des risques et peuvent mener à des impasses.

Comment mettre à profit cette prise de conscience pour changer notre monde ou de manière plus modeste pour corriger certains dysfonctionnements évident ? Le confinement et l’arrêt des activités professionnelles habituelles sont propices à la réflexion. Boris Cyrulnik expliquait dans une interview comment les catastrophes passées, par exemple une épidémie de choléra, ont influencé la hiérarchie de nos valeurs sociales, la culture de nos sociétés : cette épidémie a ainsi contribué à l’abolition du servage en France tout comme à une conscientisation de l’importance du foyer/famille. Alors aujourd’hui, que pourrions-nous faire, seul et à plusieurs, pour que cette secousse conduise à une société plus égalitaire ?

L’immobilité physique forcée que nous vivons actuellement ne permet pas de descendre massivement dans la rue, et rester chez nous s’avère être une activité hautement solidaire à l’heure actuelle. Demain, une fois la crise passée, le retour à la « normale » et à nos habitudes sera forcément tentant. Néanmoins, nous pourrions peut-être éviter quelques catastrophes en construisant une autre société ? Il s’agirait par exemple de changer nos modes de consommation, de production alimentaire ou de financements des services publics tels que la santé. Les philosophes Cynthia Fleury et Isabelle Stengers nous mettent en garde contre ceux qui diront qu’il faut continuer comme avant et nous invitent à « faire monter au pouvoir une force d’action citoyenne et durable ».

Puisque la mobilisation physique n’est pas possible, mettons une partie de ce temps à profit afin de repenser nos comportements et à les analyser de manière critique. Les scientifiques alertent sur la 6e extinction de masse qui se produit, que nous produisons, en ce moment-même. En 2015, dans l’Union européenne, ce sont 659.000 personnes qui décédaient à cause de la pollution, tueur silencieux.  Comment se fait-il que nous ayons accepté si rapidement la privation de nos libertés individuelles pour répondre à la crise sanitaire due au COVID-19 quand nous refusons de changer nos habitudes pour lutter contre le réchauffement climatique ? L’impact de la crise écologique n’est-il pas assez visible, ou pas assez proche de nous ?

Tout en réfléchissant à ces questions sociétales essentielles, l’équipe travaille activement à l’adaptation des activités. La prise de conscience, par l’expérience, qu’un acte individuel (rester chez soi) est porteur d’impact collectif, modifie peut-être le contexte dans lequel nous travaillons. L’éducation à la citoyenneté critique devra s’y adapter.

Sources :

Jos Lelieveld, Klaus Klingmüller, Andrea Pozzer, Ulrich Pöschl, Mohammed Fnais, Andreas Daiber, Thomas Münzel, “Cardiovascular disease burden from ambient air pollution in Europe reassessed using novel hazard ratio functions”, European Heart Journalhttps://academic.oup.com/eurheartj/article/40/20/1590/5372326

Aurélie Barrau, Coranavirus et environnement, 17.03.2020, https://www.youtube.com/watch?v=mr9IEab49eY&t=1030s

Boris Cyrulnik, “Après le coronavirus, il y aura des changements profonds, c’est la règle”, Grand bien vous fasse, France Inter, 16.03.2020, https://www.franceinter.fr/vie-quotidienne/boris-cyrulnik-apres-le-coronavirus-il-y-aura-des-changements-profonds-c-est-la-regle

“Que nous arrive-t-il, quel est le monde qui se dessine ?”, Dans quel monde on vit, La Première – RTBF, https://www.rtbf.be/lapremiere/emissions/detail_dans-quel-monde-on-vit/accueil/article_cynthia-fleury-apres-la-crise-du-coronavirus-il-faudra-combattre-ceux-qui-vous-diront-qu-il-faudra-continuer-comme-avant?id=10467447&programId=8524

“Éviter les prochaines crises en changeant de modèle alimentaire”, Libération, 30.03.2020, https://www.liberation.fr/debats/2020/03/30/eviter-les-prochaines-crises-en-changeant-de-modele-alimentaire_1783572?fbclid=IwAR018e7s21YWAzQ8EfTmfNHXiPLyyZvAu6OdgSpeBxB-dKaXCeUTiOXdnho